Perturbateurs endocriniens

Des risques potentiels ou avérés pour la santé humaine

Les perturbateurs endocriniens regroupent une vaste famille de composés capables d’interagir avec le système hormonal. Les données scientifiques suggèrent qu’ils peuvent altérer de nombreuses fonctions de l’organisme (métabolisme, fonctions reproductrices, système nerveux…) mais leurs effets sur la santé humaine sont complexes à évaluer. L’étude des perturbateurs endocriniens représente aujourd’hui un enjeu majeur pour le corps médical et les pouvoirs publics, dans un souci de protection des populations vulnérables.

Dossier réalisé en collaboration avec Robert Barouki (unité 1124 Inserm/Université Paris Descartes, Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire, Paris)

Comprendre la perturbation endocrinienne

Selon la définition communément acceptée, proposée par l’Organisation mondiale de la santé, un perturbateur endocrinien est une substance exogène (ou un mélange), qui altère une ou plusieurs fonctions du système endocrinien et, par voie de conséquence, cause un effet délétère sur la santé d’un individu, de sa descendance ou de certaines sous-populations. Parmi les perturbateurs endocriniens, on trouve un vaste ensemble de molécules chimiques contenues dans des pesticides, des polluants environnementaux, des plastifiants, des médicaments…

C’est quoi la perturbation endocrinienne ? – Interview – 1 min 14 – vidéo extraite de la série C’est quoi ? (2015)

Un système hormonal vulnérable

Le système endocrinien regroupe les organes qui sécrètent des hormones : thyroïde, ovaires, testicules, hypophyse… Libérées dans la circulation sanguine, les hormones produites par ces organes vont agir à distance sur des fonctions de l’organisme comme la croissance, le métabolisme, le développement sexuel, le développement cérébral ou encore la reproduction. Il s’agit donc d’un système de communication entre organes.

Les perturbateurs endocriniens altèrent le fonctionnement de ce système en interagissant avec la synthèse, la dégradation, le transport et le mode d’action des hormones. Ils entraînent un effet toxique via les modifications physiologiques engendrées par ces perturbations. 

La définition du champ d’action des perturbateurs endocriniens tend en outre à s’élargir. En effet, certains organes qui ne sont pas considérés comme des glandes endocrines à proprement parler produisent des molécules qui interagissent avec le système hormonal : ces dernières sont désormais également considérées comme des cibles potentielles pour les perturbateurs endocriniens. C’est par exemple le cas d’une molécule principalement produite par le tissu adipeux qui intervient dans la régulation du métabolisme, la leptine, ou encore celui de l’IGF‑1,produite par le foie, qui agit comme un facteur de croissance


Une prise de conscience déclenchée par l’affaire du distilbène

Les perturbateurs endocriniens avaient commencé à attirer l’attention des chercheurs dès les années 1950, avant même que ce terme soit utilisé. Mais dans les années 1970, c’est l’affaire du distilbène qui a provoqué la véritable prise de conscience des risques associés à ces substances. À cette époque, un chercheur américain a observé la recrudescence d’une forme rare de cancer gynécologique chez des adolescentes et de jeunes adultes. L’analyse de ces cas a montré que les jeunes femmes concernées étaient nées de mères qui avaient pris du distilbène, un œstrogène de synthèse alors prescrit aux femmes enceintes pour prévenir les fausses couches. Rapidement, le lien entre l’exposition des fœtus au distilbène et l’altération de leurs organes reproducteurs (entraînant cancers et stérilité) a été établi. Depuis, il est apparu que les enfants nés de la génération exposée in utero (i.e. les petits enfants des femmes qui ont pris du distilbène) ont eux aussi un surrisque de pathologies gynécologiques. Ce médicament, prescrit en France jusqu’en 1977, n’est plus autorisé.


De quelles substances parle-t-on ?

Il existe une grande diversité de perturbateurs endocriniens que l’on peut séparer en deux groupes :

  • Des produits de synthèse qui miment les effets d’hormones, souvent utilisés en thérapeutique (pour la contraception, la substitution hormonale ou encore l’hormonothérapie).
  • Les produits chimiques qui peuvent interférer avec le système endocrinien, humain ou animal.

Ce deuxième groupe compte actuellement plus d’un millier de substances, parmi lesquelles on peut citer :

  • certains phtalates, présents dans des adhésifs, huiles lubrifiantes, détergents, solvants, produits pharmaceutiques, fils et câbles électriques, produits cosmétiques…
  • certains parabènes, employés comme conservateurs dans plus de 80 % des produits cosmétiques, dans des médicaments et comme additifs alimentaires, notamment en raison de leurs propriétés antibactériennes et antifongiques.
  • le bisphénol A (BPA), principalement utilisé dans la fabrication de polycarbonate (plastique) et de résines époxy (construction, revêtements, objets décoration…), mais aussi dans celle d’autres polymères et résines (polyester, polysulfone, résines vinylesters…). Depuis 2015, le BPA est interdit dans tous les conditionnements en contact direct avec des denrées alimentaires. La France a été à l’initiative de cette interdiction au niveau européen, dans le cadre de différentes réglementations.
  • des composés perfluorés très persistants dans l’environnement, utilisés dans les traitements textiles antitaches et imperméabilisants, les enduits résistants aux matières grasses, les emballages en papier et carton alimentaires...
  • des composés polybromés (ou retardateurs de flamme bromés)très persistants dans l’environnement, utilisés pour rendre certains produits moins inflammables : plastiques, textiles (rideaux, sièges, mousses, capitonnages...), équipements électriques/électroniques (circuits imprimés, câbles, téléviseurs, ordinateurs...).
  • les organochlorés (DDT, chlordécone…), utilisés comme phytosanitaires (pesticide, insecticide, fongicide).
  • des produits de combustion comme les dioxines, les furanes, les hydrocarbures aromatiques polycycliques...

Beaucoup de perturbateurs endocriniens persistent durablement dans l’environnement et peuvent passer d’un compartiment – sols, eau, air – à l’autre. Les composés perfluorés, désormais appelés substances per- et polyfluoroalkylées ou PFAS (à prononcer « pifasse », de l’anglais per- and polyfluoroalkyl substances), sont en particulier considérés comme des polluants éternels car ils ne se dégradent pas dans l’environnement. Ils peuvent également persister plusieurs années dans l’organisme. Des membres de cette famille de milliers de composés chimiques sont retrouvés dans le sang de tous les Français lors des enquêtes de surveillance. Une proposition de loi d’avril 2024 vise à en restreindre l’utilisation à horizon 2027/2028.

Quels impacts potentiels sur la santé ?

Les troubles et les pathologies susceptibles d’être liés à une exposition à des perturbateurs endocriniens ont été listés dans le cadre de la deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Toutefois, la survenue de ces effets délétères ne peut être imputée à la seule exposition à des perturbateurs endocriniens car ils ont pour la plupart une origine multifactorielle (génétique, mode de vie...). Et la quantification de la contribution des perturbateurs endocriniens dans leur apparition est parfois difficile à établir.


Liste des affections suspectées d’être liées à une exposition aux perturbateurs endocriniens

  • Cancers : sein, prostate, lymphome et leucémie, ovaire, endomètre, testicule
  • Troubles du système reproducteur : endométriose, fibrome utérin, issues défavorables de grossesse, cryptorchidies (défaut de la migration d’un testicule), hypospadias (malformation de la verge), altération de la qualité du sperme, puberté précoce, infertilité
  • Troubles métaboliques : diabète de type 2, obésité
  • Troubles immunitaires et inflammatoires : maladie thyroïdienne auto-immune, asthme, allergies, altération des réponses vaccinales
  • Troubles du neurodéveloppement : diminution du QI, troubles du comportement, troubles cognitifs, troubles du spectre autistique, troubles émotionnels, troubles relationnels, troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité

D’autres pathologies ont été identifiées, mais avec un niveau de preuves encore insuffisant, comme le syndrome des ovaires polykystiques, le cancer de la thyroïde, l’hyper- et l’hypothyroïdie, des anomalies de développement des dents...


Une évaluation toxicologique complexe

À l’heure actuelle, les effets nocifs de la plupart des perturbateurs endocriniens sont seulement « suspectés » : peu de ces substances sont officiellement considérées comme présentant un danger avéré pour la santé humaine. En effet, l’identification d’un lien de cause à effet entre l’exposition à un perturbateur endocrinien et la survenue de troubles est complexe à établir. Cette difficulté repose notamment sur le fait que les individus sont exposés à un grand nombre de substances, à différentes doses et à différentes périodes de leur vie. Or la toxicité de ces produits dépend de nombreux facteurs :

  • Le moment de l’exposition : la susceptibilité aux produits chimiques est par exemple plus élevée pendant vie intra-utérine, la petite enfance et l’adolescence en raison des nombreux remaniements moléculaires et tissulaires qui se déroulent lors de ces périodes de développement.
  • L’état de santé et les susceptibilités génétiques de chaque individu : certaines personnes présentent des maladies ou prédispositions génétiques qui peuvent modifier l’absorption, l’effet ou l’élimination des substances chimiques présentes dans leur environnement.
  • La voie d’exposition (cutanée, respiratoire, par ingestion…) modifie l’imprégnation de l’organisme.
  • L’effet « cocktail » : nous sommes chaque jour exposés à un grand nombre de substances chimiques qui peuvent avoir des effets additifs, synergiques ou au contraire antagonistes.
  • Le délai d’apparition des effets :les troubles liés à l’action de perturbateurs endocriniens peuvent apparaître immédiatement ou de façon retardée, plusieurs mois voire plusieurs années après l’exposition. Ils peuvent même toucher la descendance. Cet effet différé pourrait s’expliquer, au moins partiellement, par des mécanismes épigénétiques, c’est-à-dire par la survenue de modifications chimiques sur l’ADN qui persistent durablement et modifient l’expression de certains gènes.
  • Une relation dose/effet non linéaire : dans certaines conditions, l’exposition à une faible dose d’une substance peut avoir un effet supérieur à une exposition à des doses plus fortes. Pour certains perturbateurs endocriniens, une faible dose peut avoir des effets significatifs uniquement lorsque l’exposition a lieu pendant des périodes de vulnérabilité développementale ou lorsqu’elle est chronique.

Enfin, la grande complexité du système hormonal accentue la difficulté de l’évaluation toxicologique de ces substances. En effet, les régulations endocriniennes font intervenir plusieurs hormones qui interagissent entre elles. Il peut donc être particulièrement difficile de prédire l’ensemble des conséquences biologiques de l’exposition à un perturbateur endocrinien. Seule la combinaison des résultats d’études épidémiologiques, environnementales et toxicologiques permet de considérer si une substance a des propriétés de perturbation endocrinienne et des effets sur la santé, avec un niveau de preuves fort, moyen ou faible. En fonction de ce niveau de preuves, des mesures peuvent être proposées et prises : information ciblée vis-à-vis des populations vulnérables, interdiction d’utiliser la substance pour certains usages, interdictions totales d’utilisation... C’est la démarche suivie, par exemple, lors des expertises collectives conduites à l’Inserm, comme celle publiée en 2021 sur les effets des pesticides


Des mécanismes biologiques pour expliquer le risque d’obésité

Les mécanismes biologiques qui relient l’exposition à divers perturbateurs endocriniens et l’obésité font l’objet de nombreuses recherches. Les données toxicologiques disponibles indiquent que certains perturbateurs endocriniens peuvent altérer le développement et la fonction du tissu adipeux, du foie, du pancréas, du tractus gastro-intestinal mais également ceux du cerveau. Il en résulterait des modifications du contrôle de la faim et de la sensation de satiété, ainsi que du métabolisme, qui augmenterait la susceptibilité à l’obésité. La sensibilité à l’exposition serait plus importante in utero et au cours de la petite enfance, avec des modifications épigénétiques (modifications chimiques sur l’ADN) potentiellement transmissibles aux générations futures.


Des sources d’exposition multiples

Pour la population générale, les principales voies d’exposition aux perturbateurs endocriniens sont :

  • l’ingestion, via la consommation de denrées alimentaires contaminées par des produits phytosanitaires ou des substances présentes dans leurs emballages, ou encore via la consommation d’eau polluée, notamment par des résidus médicamenteux excrétés par les humains et les animaux.
  • l’inhalation, par la respiration de particules de pesticides ou de produits chimiques.
  • le contact cutané avec des produits cosmétiques, des détergents…

En milieu professionnel, les personnels de certains secteurs peuvent être exposés à des doses élevées de perturbateurs endocriniens. C’est en particulier le cas dans certains métiers de l’agriculture (via l’utilisation de produits phytosanitaires), de l’industrie pharmaceutique et chimique (production de médicaments et d’hormones, fabrication de matière plastiques, de solvants...), de la construction (via l’exposition prolongée à des colles, des solvants, divers matériaux contenant des perturbateurs endocriniens)… La protection des travailleurs exposés à ces substances est prévue par le code du travail : ils doivent recevoir des informations et des formations sur ce sujet, et disposer de moyens de protection adaptés.

Quelle surveillance ?

Les perturbateurs endocriniens sont reconnus comme des substances à haut potentiel de risque par les agences sanitaires. En France et en Europe, ces substances sont recensées et certaines sont évaluées. Les conclusions de ces études peuvent conduire à en limiter l’utilisation en cas de danger avéré pour la santé humaine. Cela a déjà été le cas pour le distilbène (un médicament), le chlordécone (un pesticide) ou encore le bisphénol A (un plastifiant).

Au niveau national, Santé Publique France réalise la surveillance de l’exposition à certains perturbateurs endocriniens, en population générale et professionnelle. De 2014 à 2016, l’agence a mené l’étude Esteban (Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition) sur 2 503 adultes et 1 104 enfants : 156 000 échantillons de sang, de plasma, de sérum et d’urines, ainsi que près de 3 000 mèches de cheveux ont été collectés et analysés. Des résultats de surveillance ont été publiés concernant l’exposition aux bisphénols, phtalates, retardateurs de flamme bromés, perfluorés, éthers de glycol et parabènes, métaux, pesticides, PCB, dioxines et furanes. Pour certaines substances, l’imprégnation est quasi généralisée. Du bisphénol A a par exemple été retrouvé dans tous les échantillons testés et des phtalates dans 80 à 99% d’entre eux.

Santé publique France surveille également certains indicateurs sanitaires en lien avec les effets suspectés des perturbateurs endocriniens. Ces effets pourraient être en grande partie évitables, en particulier pour les générations futures, grâce à la substitution de produits, des réglementations, des recommandations... Certaines mesures ponctuelles sont d’ailleurs déjà en place comme l’interdiction du BPA dans les contenants alimentaires destinés aux enfants de moins de trois ans (dont les biberons) et dans les tickets de caisse, la limitation de l’utilisation des phtalates, ou encore des recommandations faites aux femmes enceintes. Depuis 2015, l’agence suivait plusieurs indicateurs relatifs à la santé reproductive (cryptorchidie, hypospadias, puberté précoce, cancer du testicule, altération de la qualité du sperme et endométriose). En 2021, l’étude PEPS’ PE a été menée dans le cadre de la deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, afin d’inclure de nouveaux effets sanitaires à surveiller. Parmi les 60 effets listés, 21 ont été jugés comme prioritaires : l’infertilité et la diminution de la fécondité, des effets métaboliques (surpoids et obésité, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2 et syndrome métabolique), des troubles du neurodéveloppement de l’enfant (troubles du comportement, déficit intellectuel et troubles du déficit de l’attention), des cancers (du sein, de la prostate, les lymphomes et leucémies chez l’enfant), ainsi que l’asthme. Cette surveillance s’appuie sur plusieurs sources de données (cohortes, système national des données de santé…). 

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) est pour sa part en charge de l’évaluation du caractère perturbateur endocrinien des substances chimiques. Ce travail consiste à vérifier qu’une substance a un effet sur le système endocrinien. Les substances reconnues comme telle au niveau européen sont listées sur le site edlists.org.


Une réglementation européenne pour encadrer la commercialisation des produits à risque

La mise sur le marché des substances reconnues comme perturbateurs endocriniens est soumise au règlement européen REACh (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals). Ce règlement relatif à la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation de très nombreux produits chimiques, impose des procédures qui conduisent l’industrie à communiquer davantage d’informations sur les dangers, les risques et les mesures de réduction des risques associés aux substances chimiques. Depuis 2023, le règlement européen CLP (Classification, Labelling and Packaging) impose en outre aux distributeurs de perturbateur endocrinien des règles d’étiquetage et d’emballages pour indiquer les risques associés à l’utilisation/l’exposition à ces produits.


Les enjeux de la recherche

Identifier les substances toxiques

Des études toxicologiques conduites in vitro permettent d’appréhender la toxicité des composés chimiques considérés comme suspects. Différents systèmes de cellules en culture sont utilisés pour raffiner ce travail : cellules de l’hypophyse, du foie, cellules mammaires, cellules reproductrices... De nouvelles approches, comme les cultures de cellules en 3D ou l’utilisation d’organoïdes, sont aussi testées. Afin d’améliorer l’efficacité du règlement REACh (voir ci-dessus) qui impose aux fabricants de soumettre chacun de leurs produits chimiques à des tests toxicologiques, un programme de recherche européen coordonné par l’Anses – le programme PARC (Partnership for the Assessment of the Risks of Chemicals), initié en 2022 vise à identifier les tests les plus pertinents pour détecter les risques parmi les produits chimiques émergents. Il vise également à l’identification des mélanges chimiques les plus préoccupants.

Coordonné par l’Inserm, le projet européen OBERON (Integrative strategy of testing systems for the identification of endocrine disruptors related to metabolic disorders) a quant lui pour objectif d’identifier les composés suspectés d’être des perturbateurs endocriniens qui agissent sur le système métabolique. Démarré en 2019, ce projet combine des approches expérimentales, des études épidémiologiques, les technologies –omics (génomique, protéomique…) et la modélisation numérique pour développer et valider des tests qui pourront être utilisés dans un cadre réglementaire et permettront de comprendre la cascade d’événements moléculaires induits par la substance. 

Au-delà du développement de tests qui permettent l’étude des substances suspectes in vitro, des travaux conduits in vivo (chez l’animal) restent indispensables pour appréhender l’effet toxique global d’un perturbateur endocrinien. Toutefois, des approches alternatives récentes, qui utilisent la biologie des systèmes et la bioinformatique sont mises au point pour aller vers une réduction ou le remplacement de l’utilisation d’animaux.

Identifier les effets néfastes des perturbateurs endocriniens

Des études écotoxicologiques, notamment en milieu aquatique, et épidémiologiques sont nécessaires pour corréler certains événements, parfois rares, à l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Les associations mises en évidence au cours de ces études peuvent conduire à suspecter un lien de causalité entre l’exposition à une ou plusieurs substances et un effet délétère pour la santé, mais la réalité de ce lien doit toujours être validée par des études conduites in vitro et/ou in vivo.

Depuis 2002, l’étude PELAGIE (Perturbateurs endocriniens : étude longitudinale sur les anomalies de la grossesse, l’infertilité et l’enfance) suit 3 500 couples mères-enfants qui résident en Bretagne. Conduite par l’équipe Évaluation des expositions et recherche épidémiologique sur l’environnement, la reproduction et le développement de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset, unité Inserm 1085), cette étude de cohorte vise à étudier l’impact de contaminants environnementaux sur le développement intra-utérin, puis sur celui de l’enfant. D’ores et déjà, elle a montré plusieurs corrélations, comme une association entre l’exposition à certains polluants organiques (DDT, PCB) et le délai de conception d’un enfant, ou entre l’exposition à un herbicide, l’atrazine – interdit en France depuis 2003 mais utilisé dans d’autres pays (États-Unis, Brésil, Chine) sur les cultures de maïs – et le retard de croissance intra-utérin. Cette étude se poursuit.

La cohorte ELFE (Étude longitudinale française depuis l’enfance), coordonnée par l’unité de service Inserm/Ined/EFS du même nom, suit 20 000 enfants depuis leur naissance en 2011. Son objectif principal est létude des déterminants environnementaux et sociétaux qui, de la période intra-utérine à l’adolescence, peuvent impacter le développement et la santé des enfants. Un volet de cette étude a permis de collecter des échantillons biologiques chez 8 000 mères. Ils pourront aider à repérer d’éventuelles corrélations entre des événements de santé et une imprégnation par des perturbateurs endocriniens in utero.

La cohorte SEPAGES (Suivi de l’exposition à la pollution atmosphérique durant la grossesse et effet sur la santé), initiée en 2014 dans la région grenobloise, suit quant à elle 484 familles : père-mère-enfant. Les trois principaux objectifs de l’étude sont de caractériser de manière très fine les expositions à plusieurs facteurs environnementaux pendant la grossesse et les premières années de vie de l’enfant, comprendre en quoi l’exposition aux polluants peut modifier certains mécanismes biologiques, et étudier les effets de ces polluants sur la santé respiratoire, la croissance et le développement de l’enfant jusqu’à ses huit ans.

Une enquête nommée Albane, copilotée par Santé publique France et l’Anses, est également en préparation pour évaluer l’exposition de la population générale aux substances chimiques. Cette étude prévoie la collecte de données en continu sous la forme de cycles consécutifs d’une durée de deux ans chacun. Chaque cycle inclut une série de questionnaires et de mesures identiques d’un cycle à l’autre, réalisées auprès de 1 150 enfants âgés de 0 à 17 ans et de 2 000 adultes âgés de 18 à 79 ans.

À l’échelle européenne, le projet HBM4EU a exploré les effets de l’exposition à des perturbateurs endocriniens sur la santé à partir des données collectées dans 28 pays, de 2017 à 2021. Des mesures répétées d’expositions ont été réalisées à différents âges de la vie dans ce cadre. De nombreuses études sont toujours en cours pour exploiter les données recueillies. Parmi les résultats déjà disponibles, une étude montre une association entre l’exposition à plusieurs perturbateurs endocriniens et une moindre qualité du sperme. Ce projet européen est prolongé par le programme PARC (voir plus haut) qui comprend en outre un volet sur l’évaluation de l’effet des substances.

Ces suivis de cohortes ont aussi pour objectif de clarifier l’impact de leffet cocktail. Il s’agit d’effets délétères causés par l’exposition à plusieurs composés à la fois. Ils agissent sur les mêmes cibles biologiques ou des cibles différentes, avec des effets synergiques ou antagonistes. Ensemble, ils peuvent perturber l’organisme, même à faibles doses, alors ils n’ont pas d’effet pris isolément. Évaluer la toxicité de ces effets cocktail est aussi complexe que nécessaire.

Protéger les populations

Les attentes de la population sont fortes : d’après une étude sur la perception des risques ressentis par les Français (baromètre de l’IRSN), la moitié d’entre eux pensent que ceux associés à l’exposition aux perturbateurs endocriniens sont élevés.

Le gouvernement a adopté la première stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens en 2014, pour encourager la recherche, améliorer la surveillance et la réglementation, et limiter l’exposition de la population à ces substances, en particulier celle des plus vulnérables (femmes enceintes, enfants). Au cours de cette étape, 22 substances ont été évaluées, pointant un manque de données pour plus de la moitié d’entre elles afin de statuer sur un possible risque pour la santé humaine. Une seconde stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens a été lancée en septembre 2019 avec trois objectifs prioritaires : 

  • Former et informer professionnels et grand public sur ces substances
  • Protéger la population et l’environnement
  • Améliorer les connaissances et promouvoir la recherche pour mieux comprendre les modes d’action des perturbateurs endocriniens, identifier les pathologies dont ils peuvent être à l’origine et renforcer la surveillance des populations.

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